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Panorama et convictions actions - Portzamparc Conseil – Printemps 2023

Publié le 03 Mai 2023 - Mis à jour le 03 Mai 2023
Thierry Bénistant
Responsable adjoint Comité d’Investissement & Responsable Clientèle Privée chez Portzamparc

Alors que les actions européennes tutoient de nouveaux sommets, l’actualité se montre pour le moins contre-intuitive. Après une pandémie mondiale, l’effroi de la guerre en Ukraine, la récession est aux portes de l’Occident et le secteur bancaire fait craindre un risque systémique. Les investisseurs auraient-ils perdu le nord ? Traçons un état des lieux pas si morose qu’il n’y parait et revenons sur nos convictions d’investissement ainsi que sur les postures à adopter.

Etat des lieux et perspectives : notre vision raisonnablement optimiste

Dans un marché structurellement haussier, l’optimisme est le plus souvent le choix de la raison ! Notre lecture de la crise bancaire, l’évolution des taux, la reprise en Chine, la valorisation du marché et la dynamique sur les bénéfices des entreprises constituent autant d’éléments porteurs. Néanmoins, les risques pouvant réfréner l’enthousiasme des investisseurs sont nombreux, en particulier le changement récent dans le cycle économique. Même si le potentiel pour le reste de l’année sur les indices européens s’est réduit, nous conservons une vision favorable.

Banques : crise systémique en cours ou disparition des acteurs les plus faibles ?

Alors que début mars, la panique s’est emparée de quelques épargnants californiens, le spectre de la « crise des subprimes » de 2008 est toujours là !  Est-t-on à l’aube d’un nouveau séisme ? A nos yeux la crise n’est pas systémique et ce pour trois raisons : l’absence de diffusion de produits toxiques dans les livres des grandes banques, la solidité de leur bilan et la mise en place de filets de sécurité par les autorités américaines. Une vague de mesures prudentielles a permis de renforcer la santé financière des banques : les règles de Bâle. A ce jour, près de 400 établissements européens et les principaux grands groupes américains se conforment à la supervision bancaire définie par Bâle IV. Les fonds propres des banques ont ainsi été accrus et leur politique de crédit se veut depuis plus prudente.

A contrario, les banques régionales américaines demeurent fragiles avec des capitaux insuffisants, un manque de diversification (spécialisation sur une typologie de clientèle) et leur bilan déséquilibré. Voilà les trois ingrédients des faillites de SVB, Signature Bank et Silvergate ! En ne faisant rien pour consolider le secteur, l’administration Trump n’est en réalité pas étrangère à la crise actuelle : la déréglementation a continué de prévaloir pour la plupart des banques américaines. Plus proche, le rachat de Crédit Suisse par UBS n’a pas été une surprise et fait office d’exception. Le géant helvète après divers scandales était en perte de vitesse depuis plusieurs années. En conséquence, dans un contexte macroéconomique moins porteur, les acteurs les plus faibles sont en train de disparaître.

De plus, les autorités américaines n’ont pas tardé à réagir afin d’éviter la contagion. Le Federal Deposit Insurance Corporation a garanti les dépôts des clients touchés et Joe Biden s’est positionné afin de rassurer les épargnants. Pour sa part, la FED a ouvert son guichet de liquidités pour les banques concernées afin d’éviter la vente en perte de l’actif de leur bilan.

Outre le retour de la volatilité, l’épisode sur les banques aura également eu du bon pour les actions avec un changement de cap radical sur le marché des taux…

FED : une équation à trois variables

Jusqu’à présent, la mission de la banque centrale américaine pour lutter contre l’inflation était facilitée par la santé du marché du travail. Sur l’année écoulée, elle a ainsi pu remonter sans contrainte ses taux directeurs. L’objectif affiché était clair : réduire l’octroi de crédits et la masse monétaire en circulation afin de restreindre l’envolée des prix à la consommation. Depuis la crise bancaire, le contexte a évolué et une troisième variable s’impose à présent dans le logiciel de Jérôme Powell et des membres de la FED : la stabilité financière. Outre, l’emploi et la maîtrise de l’inflation, le bon fonctionnement du financement de l’économie fait partie intégrante des missions de la FED. Or, la poursuite de l’augmentation des taux longs pourrait déséquilibrer encore davantage le bilan des banques les plus fragiles (dépréciation de la valeur de l’actif). De plus, l’accès au crédit des agents économiques devra être facilité afin d’éviter le retrait des dépôts à l’image de SVB. Pour se faire, il serait souhaitable que la politique restrictive de la FED prenne fin prochainement. Le changement de cap est en cours.

Inflexion des taux comme nouveau catalyseur : les trois ingrédients

Le déclin des taux longs continue d’être le premier carburant du marché actions. En mars le T-bond américain est passé de plus de 4% à 3,5% actuellement. L’effet bénéfique immédiat est à chercher dans l’actualisation des bénéfices futurs redonnant une bouffée d’air à la valorisation du marché (effet important sur le luxe, la technologie et l’ensemble des valeurs dites « growth »). L’amélioration du coût du crédit sera également bénéfique aux entreprises les plus endettées.

Taux 10 ans US – Source : Reuters

La pression sur les taux longs devrait se poursuivre pour trois raisons. La baisse des anticipations sur les taux directeurs est le premier ingrédient expliquant le repli des taux longs. Dorénavant, le marché anticipe un dernier mouvement de resserrement monétaire en mai de la part de la FED pour atteindre 5,25%. Par la suite, un statut quo jusqu’à la fin de l’année nous parait comme le scénario le plus probable. Les taux longs reflètent également les anticipations de croissance et d’inflation. A cause d’un accès au crédit restreint suite au stress sur les banques régionales, les investisseurs anticipent à présent un ralentissement économique plus marqué. Nous prévoyons ainsi une décroissance de l’économie américaine au second semestre et probablement au cours du 1er trimestre 2024. Pour autant, nous estimons que la récession sera légère grâce à un marché du travail globalement encore solide et à une croissance mondiale tirée par la reprise chinoise. Dans le sillage d’une activité économique en perte de vitesse, l’inflation devrait se rapprocher de la zone des 3% aux Etats-Unis début 2024. Le mouvement est déjà bien engagé avec un chiffre en mars plus faible que prévu à 5% après le pic à 9% mi 2022. Notons toutefois qu’en Europe le décrochage des prix est plus poussif.

Indice des prix à la consommation US - Source : Reuters

Reprise de la Chine et croissance de la masse monétaire

En Chine, la fin des mesures « zéro covid » et la nécessité pour le gouvernement de retrouver une croissance supérieure à 5% constituent un élément porteur pour les actions.  Nous attendons un quasi doublement de la croissance du PIB cette année après un modeste 3% en 2022. La banque centrale chinoise a également réinstauré une politique monétaire accommodante favorisant le crédit et in fine l’augmentation de la masse monétaire.

Résilience des bénéfices et nouvelle dynamique sur la marge en Europe

Malgré la détérioration des perspectives de croissance, l’évolution des bénéfices des entreprises demeure favorable grâce notamment à l’amélioration de leur rentabilité. La baisse de l’inflation et des coûts devrait permettre de compenser au moins dans un premier temps l’essoufflement de l’activité. Ainsi sur les trois derniers mois, la proportion des entreprises au sein de l’indice Stoxx600 anticipant une amélioration de leur marge nette à horizon 12 mois a bondi à 49% contre 30% début 2023 (graphique ci-dessous). La dynamique semble clairement s’améliorer après un an de dégradation.

Stoxx600 pourcentage de révisions positives sur la marge nette - Source : Exane BNP Paribas

Concernant les bénéfices sur le Stoxx600, sur les trois derniers mois et malgré la crise bancaire en mars, les prévisions à un an se sont légèrement améliorées (+1%). Mais ce chiffre cache de grandes disparités sectorielles reflétant assez bien les écarts de performances depuis le début de l’année. Ainsi, l’énergie (-11%) ou encore les matériaux de base (-6%) subissent des révisions à la baisse marquées alors que le secteur voyage et loisirs (+16%), les banques (+11%) la construction (+7%) ou encore le technologie (+5%) voient une amélioration depuis trois mois.

Stoxx600 révisions sur les bénéfices par secteur - Source : Exane BNP Paribas

Au final, sur l’ensemble de l’année, les bénéfices sont vus en croissance de 0.3% sur le Stoxx600. Sur le S&P500, le mouvement est différent avec un repli modéré de 0.7% en 2023. Ce point peut expliquer en partie la surperformance actuelle des indices européens.

Stoxx600 : croissance et révisions haussières sur les bénéfices - Source : Exane BNP Paribas

Une cherté encore attractive sur le Vieux Continent

Enfin, côté valorisation, le constat est contrasté et les impressions peuvent être trompeuses. Outre-Atlantique, malgré la remontée timide des indices, la cherté demeure relativement élevée avec un ratio cours-bénéfice de 18,3 fois. Malgré la descente aux enfers de 2022, les géants de la technologie présentent encore une prime historique avec un price earning ratio supérieur à 20. En Europe, le constat est plus flatteur malgré l’envolée des indices européens de près de 30% depuis l’automne. Grâce à la progression des bénéfices, l’attractivité des actions européennes est intacte à seulement 12,5 fois les résultats de l’année.

L’amplitude du ralentissement économique comme principale incertitude 

Evidemment comme dans toute phase de marché, de nombreux points d’interrogation persistent. Hormis les aléas géopolitiques (Ukraine, Taïwan, tensions sino-américaines), la poursuite du stress bancaire, un retour de pandémie, ou encore la dérive structurelle de l’endettement aux Etats-Unis, nous estimons que le principal risque se situe à présent dans l’ampleur du ralentissement économique aux Etats-Unis et en Europe. Les fragilités que connaissent les banques régionales américaines pourraient affecter le « robinet du crédit ». Rappelons que contrairement à l’Europe, le secteur est encore particulièrement fragmenté aux Etats-Unis : une part importante de l’économie est financée par de petits établissements. Dans quelle mesure les volumes de crédit vont ils se réduire ? D’un point de vue directionnel sur le marché, nous pensons néanmoins que la lecture positive des investisseurs sur la situation devrait perdurer : le ralentissement économique est perçu comme favorable à la poursuite de la baisse des prix et des taux. Une récession légère est un élément passager alors que l’ancrage de l’inflation peut s’avérer durablement destructeur.

Allocation sectorielle et thématiques d'investissement

A la lecture du contexte actuel, quelle allocation sectorielle adopter ? Revenons sur nos messages, les postures que nous adoptons et les thématiques d’investissement à privilégier.

Construire un portefeuille équilibré : « be blend » !

De par notre approche « momentum », nous continuons de nous surexposer aux secteurs les mieux orientés dans notre modèle de tendance « BCAP ». Pour autant, nous préconisons de rester mesuré et surtout équilibré entre valeurs de croissance (« growth ») et les titres dits « value » : une allocation « blend » ! En effet, la surperformance historique du style « growth » semble moins ancrée depuis plus d’un an, d’autres pans de marché suscitent l’intérêt des investisseurs. Nous l’avons vu au cours des derniers mois, la perception des investisseurs peut changer rapidement. A l’écoute du marché, nous ajusterons nos pondérations sectorielles au fil de l’eau en fonction des forces en présence.

Changer pour une lecture « relative »

Depuis le début de l’année, les écarts de performance entre les secteurs sont grands mais les disparités intra-sectorielles le sont encore davantage ! Nous pensons que la sélection de valeurs sera à nouveau un élément déterminant pour les prochains mois. A titre d’exemple dans la santé, Novo Nordisk, le géant danois dans le diabète progresse de plus de 23% depuis le début de l’année contre 14% pour le numéro 1 mondial Sanofi. L’écart se veut encore plus marqué sur un an glissant à +50% contre +1,5%. Depuis trois ans, Novo Nordisk surperforme le marché et le secteur de la santé (cf graph ci-dessous). Un leader sectoriel a tendance à le rester.

Novo Nordisk relatif secteur (violet) et marché (vert) - Source : Portzamparc

Les banques continuent de bénéficier d’une place confortable dans notre allocation

Au regard des éléments développés précédemment, nous restons positifs sur le secteur bancaire. Cependant, l’incertitude entourant les banques régionales outre-Atlantique, nous incite à réduire le poids de nos positions à près de 10% de notre allocation. Même si les institutions américaines ont mis en place des garde-fou efficaces, nous n’excluons pas d’autres épisodes de stress comme récemment avec First Republic Bank qui fait face à une perte de confiance et une érosion rapide de ses dépôts. Néanmoins, ne pas surréagir à l’actualité nous semble être la posture à adopter. Aussi, à l’image des résultats spectaculaires de JP Morgan, nous pensons que les publications trimestrielles permettront de remettre sur le devant de la scène les fondamentaux du secteur : la poursuite de la rentabilité avec des résultats tirés par les revenus d’intérêts, un début d’inflexion sur la banque d’investissement, une cherté attractive et des ratios prudentiels toujours aussi solides. D’ici la fin de l’année, nous continuerons de surveiller l’évolution du cycle économique et en particulier l’endettement privé croissant aux Etats-Unis.

Une plus grande prudence s’impose sur les secteurs cycliques

A la lecture des bouleversements en cours sur le cycle économique, nous sommes plus prudents qu’en début d’année sur les valeurs cycliques. Nous sous pondérons les matières premières, le secteur pétrolier et nous montrons sélectifs sur les valeurs industrielles. A l’image du gestionnaire de réseaux électriques Quanta Services ou encore du cimentier Heidelberger Materials, nous apprécions la thématique des Infrastructures. Des tendances lourdes sont en cours, indépendantes du cycle économique et bénéficiant de plans d’investissements publiques colossaux en particulier aux Etats-Unis et en Inde. Dans la Défense, Thalès trouve une place de choix dans notre allocation en compagnie de Siemens et Schneider Electric de par la solidité de leurs activités à l’image des derniers résultats.

Les effets spectaculaires du repli des taux longs sur la technologie et le luxe

Coté gagnants, les valeurs de croissance connaissent une nouvelle embellie grâce à la baisse des taux longs et un effet mécanique sur leur valorisation. Les acteurs dans le luxe s’envolent de près de 40% depuis le 1er janvier. Dans une moindre mesure, le Stoxx600 Technology gagne 15%. La tendance est bien ancrée sur ces deux pans de marché qui constituent toujours une priorité.

Dans le luxe, outre les traditionnels géants du secteur, Moncler et Ferrari se distinguent avec une valorisation encore attractive et des perspectives porteuses grâce à la réouverture de la Chine. Sur le secteur technologique, nous regardons avec attention les acteurs dans les semi-conducteurs qui bénéficient de catalyseurs puissants avec l’électrification du parc automobile (Infinéon) ou encore la course à l’intelligence artificiel consommatrice de puissance de calculs (Nvidia, ASML). SAP dans les logiciels suscite également notre intérêt.

Allouer une poche sur les défensives

Les secteurs défensifs, peu corrélés au ralentissement économique bénéficient de la conjoncture : l’Agroalimentaire, les Utilities, la Santé et les Telecoms. Pour le premier, un effet de base plus favorable sur le coût des matières agricoles devrait permettre une amélioration des marges au cours de l’année. General Mills grâce à son positionnement sur l’alimentation animal dispose d’un profil de croissance attractif. Danone pour sa part bénéficie d’une nouvelle stratégie porteuse. Pour le second, structurellement endetté, la réduction des taux permet la revalorisation d’un secteur délaissé tout au long de l’année 2022. Enel en Italie a d’ores et déjà engagé un plan ambitieux de désendettement tout en continuant de renforcer ses positions de leader européen sur les énergies renouvelables. Après un début d’année difficile, la Santé repart de plus belle. Outre Novo Nordisk, Essilor accélère nettement après ses derniers résultats trimestriels. Pour sa part, Deutsche Telekom offre de la visibilité et de la croissance grâce à son exposition à T-mobile aux Etats-Unis.

En l’état, il nous semble raisonnable de penser que les tendances identifiées perdureront. Toutefois, nous ne manquerons pas de faire évoluer nos convictions du printemps si le marché venait à nous donner de nouveaux signaux.

Sources :

Notre expert
Thierry Bénistant
Responsable adjoint Comité d’Investissement & Responsable Clientèle Privée chez Portzamparc
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